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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 08:22
Présentation de quelques extraits de mes romans. 
Extraits romans et romans policiers: premières pages.
Roman policier en Provence : Comme un gant

Roman policier en Provence : Comme un gant

Extrait ' Comme un gant '  (  ROMAN POLICIER )

En cherchant l’homme aux petits cigares dans les commerces aux alentours, Raphaël voit un mégot sur le trottoir devant une armurerie, un mégot qu’il reconnait instantanément. L’individu est à l’intérieur. Il préfère attendre qu’il sorte. Il le suit jusqu’à sa voiture et le coince juste avant que l’homme n’ouvre la porte.

– Nous avons à parler tous les deux.

En se retournant, l’espion a un mouvement de recul. Il voit bien dans le regard de Raphaël une détermination à toute épreuve. Il tente quand même de s’éclipser en se retournant pour enfoncer la clef dans la serrure de sa voiture.

– Je crois pas, non !

Raphaël lui attrape fermement la main. Son antagoniste comprend bien qu’il ne ferait pas le poids, l’adversaire est bien plus jeune, bien plus fort.

– Vous n’avez pas le choix. Quitte à vous envoyer à l’hôpital et moi en cabane je ne vous laisserai pas repartir.

– Qu’est ce que vous voulez ?

– Vous le savez très bien, lui répond Raphaël en élevant la voix.

L’homme se mord les lèvres en retirant la clef de la serrure.

– Je connaissais vos parents, c’est tout.

– Je vous préviens, ça va mal se terminer. J’ai rien à perdre moi. Il y a un élément nouveau et bientôt un gonze aux urgences si vous continuez … L’enquête peut être rouverte.

– Non ! Surtout pas ! Quel élément ?

Des passants commençaient à regarder le couple en dispute.

– Il vaut mieux que l’on en parle ailleurs. On va aller boire un jus de bas.

Une fois installé dans un café à l’écart d’oreilles indiscrètes, Raphaël saisit le bord de la table devant lui comme pour se retenir d’une action qu’il regretterait. Il a le regard dur, agressif.

– Alors ! On va pas tourner six mois autour du pot. Vous me connaissez et vous savez ce que je cherche.

– Qu’est ce que vous cherchez ?

– Des réponses ! Et vous, des réponses vous en avez, sinon pourquoi me surveiller sans arrêt ?

L’homme le regarde et attend un petit moment avant lui répondre, ce qui tend encore un peu plus les nerfs de Raphaël qui serre de plus belle le rebord de la table.

– Pantoute ! Je vous connais à peine et je n’ai rien à vous dire.

Il marque un temps d’arrêt, Raphaël le fusille du regard.

– Je m’appelle Raphaël Lévesque et vous Antoine …

– Antoine Tremblay ! Et puis après !

– Vous avez été notre voisin pendant des années.

– Et alors !

– Vous l’étiez encore quand mes parents ont disparu. Vous avez rapporté des outils au moment de leurs disparitions et vous avez caché un élément essentiel à la police.

– Qu’est ce que vous allez chercher là ? Quel élément ?

 Raphaël sort une feuille de papier vierge de la poche de sa veste et la tend à son interlocuteur.

– Écrivez dessus « ne t’inquiète pas, mais rappelle-moi en urgence. »

– Pourquoi ?

Raphaël se relève en se penchant en avant et tape violemment sur la table en criant.

– Parce que je te le demande, espèce de moron.

Plusieurs clients se retournent. Le serveur arrête d’essuyer ses verres pour observer les antagonistes. Tremblay comprend que son interlocuteur ne lâchera pas le morceau et ne veut apparemment pas se faire remarquer.

– Ça va ! Pas besoin de se sauter dans la face.

Il prend le papier, sort un stylo de sa veste, appuie sur l’extrémité pour en faire sortir la mine et écrit. Dès qu’il a terminé, il tend la feuille à Raphaël.

– Voilà !

Tout en ne le quittant pas des yeux, le jeune homme plonge sa main dans la poche intérieure de sa veste pour en sortir le mot trouvé dans la boite de mèches. Il les regarde un moment pour comparer les écritures, puis relève lentement son regard vers l’interlocuteur en tournant les deux feuilles vers lui. Le voisin les prend en fronçant les sourcils.

– Qu’est ce que ça veut dire ?

– C’est un mot que j’ai retrouvé dans le garage, qui date du jour de la disparition de mes parents.

– Comment pouvez-vous être sûr de la date ?

– Je peux pas vous le dire, mais j’en suis sûr.

– Ne me croyez pas si vous voulez, mais je n’ ai pas écrit ce mot.

Tremblay devine que son ex-voisin va s’énerver à la vue de son visage qui se déforme à la manière d’une tête de cire que l’on introduirait dans un four à pizza. Il préfère prendre les devants.

– Ne vous mettez en colère. Je vous jure que c’est vrai. C’est la même écriture, mais il doit y avoir une explication.

– Maintenant vous allez tout me dire, qu’est ce qu’il vous avait laissé en plus des outils.

 

Roman policier en Provence : Trois petits trous

Roman policier en Provence : Trois petits trous

_ _ _ _ Premier extrait Trois petits trous _ _ _ _( Roman policier )

 

Laurent avance d’un pas alerte. Chaque fois qu’il passe sous la porte de la Saunerie, il ne peut pas s’empêcher de relever sa tête pour admirer les créneaux qui la chapeautent, signe de l’éternel affranchissement des Manosquins. Il remonte ensuite rapidement la rue Grande. Sachant exactement où se trouve le magasin de chaussures, qu’il a localisé sur les pages jaunes, il ne perd pas de temps en flânerie inutile. En entrant, il remarque que l’établissement est luxueux, aucune chaussure en vrac surplombée d’annonces promotionnelles, aucune affiche censée appâter des clientes avec des rabais faramineux qui nous laissent entrevoir les marges non moins pharaoniques que se concède le commerçant quand les articles sont vendus à leurs prix originaux. Les souliers sont rangés sur des étagères en verre, alignés comme un bataillon de fantassins un Quatorze Juillet. Les probables acheteuses, qui s’ingénient à marcher tout en regardant leurs futures acquisitions d’une manière hautaine, sont accompagnées d’une douce musique qui les enveloppe. Mimant sans s’en rendre compte des soldats arpentant un palais royal, elles tendent leurs pieds en avant tout en raidissant leurs jambes pour tenter d’apercevoir l’objet de leurs convoitises. Quelques tabourets recouverts de cuir noir se promènent çà et là, au gré de la fantaisie des clientes. Au fond du magasin, une femme qui a bien compris que notre lieutenant n’était pas là pour faire exploser son chiffre d’affaires, lui sourit. Il s’approche en ne la lâchant pas du regard. Puis, arrivé à sa hauteur, il sort son badge.

– Lieutenant Laurent Huguenin, j’ai quelques questions à vous poser.

– Si je peux vous être utile ? Lui répond la vendeuse avec un sourire aguicheur.

Le lieutenant marque un temps d’arrêt, surpris par une drague aussi rapide. Mais quand même, il répond en lui jetant un regard espiègle accompagné d’un pincement de lèvres. Il se dit que si jamais ça ne marche pas avec la standardiste autant avoir plusieurs flèches à son arc, on n’est jamais assez prévoyant.

– Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?

– Hum ! Pour l’instant, quelques réponses. Lui susurre-t-il, un peu désarçonné. 

Il la sent frétillante, cette vendeuse, comme un poisson rouge qui aurait besoin de quitter son bocal pour un peu s’aérer. Lui, il lui aurait volontiers fait goûter l’eau de sa baignoire, en attendant le bon vouloir de miss Évelyne. Le lieutenant se décide tout de même à sortir une feuille de la poche intérieure de son veston, puis la déplie pour la placer face à son interlocutrice.

– Voilà, madame ! Ou je peux peut-être vous appeler par votre prénom ?

– Pardi ! Moi c’est Solange.

– Et moi Laurent ! Alors voilà Solange, nous avons déterminé ce modèle de chaussure en partant d’une empreinte. C’est une Casadèi, tu en vends ?

– Nous avons tout ce que confectionne Casadéi dans notre catalogue. C’est notre marque haut de gamme.

– T’as vendu ce modèle dernièrement ?

– Il me semble.

– Tu peux vérifier ?

– Pour sûr ! Je suis très obéissante, tu sais.

– Hum, hum !

Tout en maintenant son corps droit comme un I et bien cambré, la vendeuse envoie ses mains sous le comptoir. Elle en sort son livre de compte, jette un dernier regard coquin en direction d’Huguenin en ajustant ses lunettes puis commence à feuilleter son ouvrage, en sens inverse, en reculant dans le temps. Soudain, elle pose sa main bien à plat sur la page gauche de son livre comme si elle craignait qu’il ne se referme.

– J’en ai effectivement vendu une, à une cliente y’a pas très longtemps.

– T’as son nom ?

– Bien sûr ! C’est madame Anne-Laure Daumas.

– Daumas, tu dis ? s’exclame Laurent, stupéfait.

– Ben oui !

– Elle t’a payé comment ?

– Par chèque.

– Elle ne serait pas de Pierrevert ?

– Ben oui !

– Ben ça alors !

– Tu m’as l’air surpris.

– Plutôt, oui !

– Ça t’est utile ?

– Très ! T’es bien certaine que madame Daumas t’a acheté ce modèle de chaussure ?

– Absolument ! Ce n’est pas le genre de bottine que je vends tous les jours, crois-moi. Ça t’aide dans ton enquête ?

– Plus que ce que tu pourrais penser. Ne parle de notre discussion à personne. Je compte sur toi.

– Ne te fais aucun souci. Je suis aussi très discrète.

– Hum, hum ! Bon, je te laisse, j’ai un coup de fil urgent à donner.

En se dirigeant vers la sortie, les occupations professionnelles du lieutenant reprenant le dessus, il commençait déjà à évacuer la vendeuse de sa tête. Elle a tôt fait de le rappeler à l’ordre.

– Laurent !

Il se retourne.

– Si t’as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas !

– Bien… bien sûr… Compte sur moi.

 Huguenin sort précipitamment, trépidant d’impatience à l’idée d’annoncer la nouvelle à son chef.

_ _ _ _ Second extrait Trois petits trous_ _ _ _( Roman policier )

 

Les deux policiers rejoignent leur bureau en soufflant. Ce n’est pas le genre de travail qu’ils affectionnent. La secrétaire arrive quelques secondes plus tard, suivie de près par le plaignant qui n’arrête pas de rouspéter.

– Ah ! J’espère que vous êtes moins bouché que votre collègue, aboie-t-il en entrant.

Ce qui n’est pas du goût du lieutenant Viguier.

– Notre collègue n’est pas bouché et si vous ne voulez pas commencer par quatre heures de cellule je vous conseille de vous calmer.

– Non, mais…

– Y’a pas de « non, mais ». Je ne vous avertirai pas deux fois.

Le plaignant se tait en regardant tour à tour les deux policiers. Laurent s’est assis sur le coin du bureau, les bras croisés en le fixant sans baisser les yeux.

– On m’a explosé le tracteur et c’est encore moi qui a tort.

– On n’a jamais dit que vous aviez tort, je vous ai dit de vous calmer. Pour le tracteur, on est là pour déterminer ce qui s’est passé.

– Ouais ? Mais les assurances ne veulent rien me rembourser. Ces enfoirés, ils disent que c’est moi qui l’ai brûlé.

– Qu’est-ce qui est arrivé à votre tracteur ?

– Je vous l’ai dit, il s’est fait exploser.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? Insiste Bernard avec un ton de lassitude.

– Après manger, je me reposais dans ma grange. Y’a jamais dégun qui y monte là-bas, bonne mère ! C’est pour ça que j’y vais me reposer. Hé bè là, j’ai entendu une bagnole.

– Elle est où cette grange ?

– Dans les vignes qui descendent de Montfuron vers Pierrevert.

– Vers Sainte-Marguerite ?

– Mais non ! Bien avant, un peu après l’église d’Elzéar.

– C’est pas grave, continuez !

– Je me suis dit « Ritou fait gaffe, si quelqu’un vient se perdre par ici ça craint ». Et je suis resté bien couché derrière la botte de paille. Ils sont rentrés tous les deux pour vérifier, mais ils m’ont pas vu.

– Comment vous étiez venu ?

– En cyclo et je l’avais planqué, pas con l’abeille.

– Pas folle la guêpe, rectifie le policier.

– Quoi ? qué guêpe !

– Non rien ! C’est pour ça qu’ils ne se sont pas méfiés.

– Pardi !

– Comment saviez-vous qu’ils étaient deux si vous étiez derrière la botte de paille ?

– C’est après que je les ai vus, quand ils sont ressortis. Je comprenais pas bien ce qu’ils disaient, mais ils parlaient d’une arme.

– L’arme qui a détruit votre tracteur ?

– Voui !

– C’était un bazooka ?

– Je l’ai pas vue. L’homme qui la tenait était de dos, mais il la tenait que d’une main, ça devait être petit.

– Et ça a suffi pour exploser votre tracteur ? Réfléchissez un peu à ce que vous dites, vaï !

– Ça s’est passé comme ça que je vous dis, putain d’Adèle ! Même que l’autre était devant mon engin et il a rien eu.

– Vous veniez du resto et vous aviez bu l’apéritif ?

– J’étais pas empégué, si c’est ce que vous voulez dire.

– Combien vous avez bu de pastagas ? Et ne mentez pas, on peut vérifier.

– Euh… Je sais pas ! Mais j’avais dormi, j’étais bien.

– Bon allez-y maintenant, on enverra deux policiers pour faire une enquête.

– Mais c’est pas tout.

– Qu’est-ce qu’y’a encore ?

– Quand il a tiré, y’a pas eu de bruit.

Laurent est intrigué par cette information.

– Qu’est-ce que vous dîtes ?

– Quand il a tiré, y’a pas eu de bruit, juste un petit sifflement. Il faut quand même reconnaître que vous êtes un peu bouché.

– C’est bon Laurent ! Intervient Bernard en colère. – C’est pas compliqué à comprendre.

– Non Bernard, je trouve ça quand même bizarre.

Puis, Laurent s’adresse de nouveau au paysan.

– Vous avez bien dit aussi que l’homme se trouvait entre l’arme et le tracteur ?

– Combien de fois je vais vous le dire ?

Bernard se lève, puis se dirige vers la porte et l’ouvre pour signifier au plaignant que le moment est venu pour lui de s’en aller et d’aller cuver ses pastis ailleurs.

Roman en Provence : Une lueur dans les yeux

Roman en Provence : Une lueur dans les yeux

Une lueur dans les yeux

Contexte : Nicolas annonce la future catastrophe à Lucien

 

Là il détourne le regard, ses yeux sont dans le vide, son esprit perdu dans ses pensées. Il ne bouge plus, il ne parle plus. Je le connais bien le Nicolas, et là il est figé dans une angoisse morbide…

Mais qu’est-ce qu’il se passe encore ?

- ( Nicolas ) : « De la colline du mont d’or on peut voir presque toute la vallée, presque tout jusqu’à Cadarache, tout ce qui va disparaître… Au-delà même de Manosque. Tout va être exterminé, anéanti, la terre brûlée à plus d’un mètre de profondeur. Il ne restera plus que de la matière carbonisée… De la matière carbonisée à perte de vue. On ne retrouvera même pas les os de ces pauvres malheureux pour leur offrir une sépulture. Le plus terrible c’est qu’il n’y aura pas un cri, pas même un gémissement. Tout s’évanouira dans un silence de mort en quelques secondes comme si Dieu avait honte de ce qu’ont fait les hommes. »

                Je m’approche de Nicolas et le tire violemment par l’épaule.

- « Qu’est-ce que tu racontes ? C’est pas possible, explique-toi, bordel. »

            Nicolas a ses yeux noyés de larmes… C’est sûr, il ne plaisante pas.

-  « Après votre guerre mondiale, des générations ont été attristées par les images des conséquences de la bombe atomique… Des hommes calcinés… Une petite fille qui errait le corps brûlé avec une robe encore collée à sa peau par la chaleur… Pas de couleur, tout était noir et gris. Mais moi… Lucien, moi, c’est la catastrophe de Cadarache qui hante mes nuits. Là, il n’y avait pas de gris… Non, il n’y avait que du noir… Du noir à perte de vue. Et ce silence… »

            Nicolas s’arrête de parler, il ne peut plus. Il essuie ses yeux avec ses mains. Je lui donne un mouchoir en papier. Il lui faut plusieurs minutes pour se remettre. Je ne dis rien, je suis complètement effondré. Nicolas se mouche puis reprend son récit.

- « Des images ont été prises par avion parce qu’il était  impossible de marcher sur le sol tant la chaleur était intense. Il ne restait plus rien à part quelque tas de matière par-ci par-là qui étaient des immeubles qui avaient fondu et là, Lucien, j’ai compris ce qu’était qu’un silence de mort. Nous avions aussi les bandes-son de l’époque, mais les commentaires étaient rares tant la vue de cette désolation était insoutenable. Nous n’entendions que de courtes phrases de temps en temps, du genre, « De la terre brûlée sur des centaines de kilomètres, c’est tout ce qu’il reste de cette Provence magnifique »… « Pourquoi autant d’innocents sont morts, n’aurions-nous pas pu éviter ce drame ? ». Même les avions ne pouvaient pas s’aventurer trop longtemps au-dessus de ces terres tant la température et la pollution étaient importantes. J’ai pu voir des images satellites de la France après ce cataclysme, la Provence n’était plus qu’une grosse tache noire comme si de l’encre était tombée sur le papier. Cette tragédie s’est déroulée des siècles avant ma naissance, mais dans mes nuits j’entends toujours les rires des enfants, le chant des oiseaux, le bruit de la vie avant la catastrophe et d’un coup le silence… Le silence et le noir… Un noir profond et angoissant qui me réveille en sursaut. Ça a été un tel bouleversement que l’atmosphère terrestre s’est complètement dégradée. »

 

Extrait N°2 Une lueur dans les yeux

 

   Papa s’approche de Nicolas.

- « Hé bé Nicolas! Vous aimez les grands espaces... »

          Pas de réponse, papa attend un peu.

 «…Ça va ? »

          Toujours pas de réponse, je m’approche aussi. Je m’avance encore pour voir son visage, puis je fais signe à papa de la main pour qu’il me rejoigne. Nicolas a les larmes aux yeux, quelques gouttes ont déjà coulé le long de ses joues.

-  « Qu’est-ce qui se passe Nicolas ? », interroge papa. «  C’est la vue des grands espaces qui vous trouble ? »

          Nicolas sursaute comme sorti d’un mauvais rêve.

- «  Vous savez ce que disent les armoiries de Manosque ? »

- « Non … »

- « MONIA  IN  MANU  DEI  SUNT »

- « Ça me fait bien plaisir. »

- « Et vous savez ce que cela veut dire ?

- « Pas du tout… Qu'es aco ? »

- « « Tout est entre les mains de Dieu ». Et ça, vous voyez Toine c’est un signe, oui…ne me demandez pas pourquoi, mais moi je vous le dis c’est un signe. »

-  « Fan de chichourle, s’exclame M. Baratin. Pour quelqu’un qui ne connaît pas le pays…vé ! Il m’a fait froid dans le dos. Il parle pas beaucoup, mais quand il  parle c’est pour vous faire une estoumagade pas possible. »

Qu’est-ce qu’il a voulu dire, encore ? Sait-il quelque chose ? A-t-il l’intention de déclencher une catastrophe ? Ou est-ce  tout bêtement un rêveur avec des araignées au plafond ? Le mystère s’épaissit.

Roman en Provence : Le choix d'un ange

Roman en Provence : Le choix d'un ange

Extrait N° 1 Le choix d'un ange

 

      Madame Camazzo habite une vieille maison au bord du boulevard. Du lierre recouvre entièrement la palissade de sa clôture ainsi que les deux piliers de pierre qui encadrent son portillon. La boîte aux lettres, encastrée en plein milieu du portail, tient par miracle. Elle oscille au gré du vent en équilibre sur une cornière boulonnée à ses deux extrémités. Sur le haut du pilier est vissée une clochette montée sur un ressort, Lucien la pousse violemment plusieurs fois. Personne ne répondant, il décide de partir quand il entend une porte qui grince au bout de l’allée, le moins que l’on puisse dire c’est que son frottement sur le sol ne peut pas la faire passer inaperçu. La dame n’est pas encore dehors mais déjà elle donne des signes de vie.

- J’arrive, j’arrive !

          Elle traîne ses pieds sur deux ou trois mètres avant de s’immobiliser, dévisage l’arrivant en basculant sa tête tantôt à droite, tantôt à gauche. Son sourire s’est muté en bèbe dès qu’elle s’est aperçue que celui qui la dérangeait lui était aussi connu qu’un pingouin à Tombouctou.

- J’ai besoin de rien…

- Je ne vends rien, Madame Camazzo…

- J’ai pas le temps. Je suis fatiguée, je rentre…

          Elle entame son demi-tour, quand Lucien prononce le mot fatidique, le terme miraculeux, le sésame ouvre-toi… . Il force sa voix pour que ses paroles ne s’envolent pas avec le mistral.

- Je suis un ami de votre fils, Denis.

          Bien qu’elle doit être un peu dure d’oreille, le prénom de son fils passe mieux, il doit avoir une sonorité spéciale. Du coup elle n’est plus fatiguée du tout. Sa bèbe se retransforme en sourire. Son pas s’accélère jusqu’au portail.

- C’est pour ça que je ne vous avais pas remis… Je vous connais pas.

- Eh, pardi !

- Comment il va mon pitchoun ?

          Ah, ce mot ! Pitchoun , l’espace de quelques secondes des tas de souvenirs reviennent à la mémoire de Lucien. Il revoit le beau visage de sa mère se penchant sur son lit pour l’endormir… bonne nuit pitchoun ! Et fais de beaux rêves…  . Mais il revient rapidement au présent, heureusement, parce que les larmes commençaient déjà à pointer.

- A part qu’il ne puisse pas sortir pour le moment, il va plutôt bien… il est en forme

- Il est en rogne… y’a de quoi.

- Non ! … Il est en forme.

          Elle s’arrête à un mètre de Lucien et relève sa tête pour mieux le dévisager. Lucien se demande comment une si petite dame a pu engendrer une bestiasse de la taille de Denis… Impressionnant !

- Ah ! C’est bien lui ça, vé ! Même avé la colère il a toujours la forme mon pitchoun. Viens sur la terrasse, je vais te faire sortir un cawa.

          Devant la surdité de la mère de Denis, Lucien préfère abandonner, il a des sujets plus importants à aborder.

- Comment tu t’appelles jeune homme ?

- Le jeune homme s’appelle Lucien, mais même le prénom n’est plus très jeune… Lucien Lubrano !

- Nubrano… C’est d’origine italienne ça?

- Oui, mais c’est Lubrano, avec un L  comme Louis.

- Ah! Louis ça par-contre c’est bien français comme prénom.

- Je m’appelle pas Louis, Madame Camazzo, je…

- J’ai bien compris ! interrompt Madame Camazzo en colère. Tu t’appelles Nubrano… Nubrano Louis, j’entends pas toujours très bien avec ce vent de fada… Mais quand même…

          Lucien abandonne une fois de plus.

- C’est sympa chez vous.

- Un peu vieux, comme la propriétaire… Mais, boudiou, je partirai avant ma baraque, va.

- Ne dites pas ça, vous avez encore plein de belles années devant vous.

- Oh moi ! Pourvu qu’il m’en reste assez pour revoir mon Denis dehors, c’est tout ce que je demande à la bonne mère… Bon je vais te chercher le cawa.

          Madame Camazzo revient au bout de quelques minutes, un plateau entre les deux mains. Sur le plateau, les deux belles tasses fumantes en porcelaine avec leurs sous tasses et le sucrier assorti, dégagent un parfum de café qui embaume toute la terrasse. Lucien ne sait pas ce qu’il doit lui demander. Est-elle au courant d’un indice important ou sait-elle quelque chose à propos de l’incarcération de son fils ? Il porte la tasse à ses lèvres en réfléchissant au moyen d’aborder le sujet en étant sûr de ne pas commettre d’impair.

- Vous y croyez, vous, à la culpabilité de votre fils ?

- Il ne ferait pas de mal à un moucheron…

- Une mouche…

- Qué mouche ?

- Non ! … C’est l’expression…

- L’expression de qui ?

- Heu, rien ! …Continuez, c’est rien .

- Comment tu veux que je continue? Avec ta mouche tu me rends chèvre, vé ! Je sais maï plus où j’en suis, tu m’as fait perdre la ficelle…

- Le f… , vous parliez de Denis.

- Ah vouis ! … Je sais qu’il fait des bêtises des fois mais c’est un brave pitchoun mon niston, tu peux me croire.

- Je vous crois.

- Et puis tu sais, il avait que deux ans quand son père nous a quittés, peuchère ! Et moi je faisais des ménages tout le temps à Coder, alors il restait tout seul, toute la journée et ça, c’est pas bon pour un minot de rester tout seul comme ça… Il se trouve pas que des bonnes compagnies.

- C’est sûr ! Et quand vous allez le voir, il vous dit quoi ?

- Boudie… toujours pareil ! Il me demande si j’ai pas mal à la tête. C’est pas bien bon pour lui la prison.

- C’est bon pour dégun.

- Je le connais pas Bégon…mais de toute façon c’est bon pour dégun. Mais en plus mon beau, Denis lui, il a l’obtention de la migraine.

- L’obsession… vous voulez dire l’obsession !

- Hou, qué teste d’aï ! Mais ça va pas toi aujourd’hui… Je dis bien, c’est l’obtention… L’obtention de la migraine c’est quelqu’un qui veut absolument qu’on ait mal à la tête, c’est comaco. C’est pas pareil que l’obsession de la migraine où là on a tellement mal à la tête que ça nous obsède… Je le sais, je l’ai lu dans le petit Larousse… Tu le lis toi des fois le petit Larousse ?

- Non j’ai le petit Robert…

- Qui c’est celui là encore ? y sont frères ? y sont petits de famille ?

- Non, c’est un concurrent.

- Un concurrent ? …Un dictionnaire concurrent… ça existe ? Ils les ont peut-être écrit ensemble et on le sait pas !… Et peut-être même qu’ils se sont tous les deux copiés et comme ils sont tous les deux petits …

- Enfin bref ! Mais peu importe… à part ça de quoi vous parliez ?

- Hé bé ! Chaque fois il me demande si par hasard il est passé des inconnus à la maison… Et tu sais quoi ?

- Non !

- Hé bé ! Chaque fois je lui dis qu’il n’y a eu personne… Et tu sais quoi ?

- Non !

- Hé bé ! Chaque fois il me le redemande… Et tu sais quoi ?

- Non !

- Ben rien, c’est tout ! Mais la prochaine fois je pourrais lui dire que tu es venu mais comme tu es le premier il n’y en aura plus.

- Pourquoi ça ?

- Parce que moi j'ouvre à plus dégun… Donc après toi, terminarès !

- Ouais !... Ouais !

- Pardi ! 

- Je vais y aller, Madame Camazzo. Si vous avez du nouveau, vous pouvez m’appeler… Tenez, je vous écris mon numéro sur un papier.

- Qu’est-ce que tu veux qu’il y ait de nouveau ici, mon beau. A part le facteur qui passe quand il lui tombe un œil et le chat de la voisine qui vient resquiller des rataillons, il ne se passe jamais rien.

- On sait jamais… Quoiqu’il arrive et même si vous avez un problème appelez-moi, ou si je réponds pas laissez-moi un message sur le répondeur…

- Surtout pas !

- Pourquoi ça Madame Camazzo ?

- Boudiou… J’aime pas parler au gens qui me répondent pas…

- Mais ça peut pas répondre.

- Hé bé, tant pis pour lui! … Au cuou m’empêgue ! Moi je raccroche.

- C’est pas grave ! Je vous rappellerai moi.

          Lucien se lève puis pose sa tasse sur la petite table ronde.

- Il était excellent votre café… Je vous fais la bise maintenant qu’on se connaît.

- Pardi ! … Et à bientôt Louis.

- Lu… à bientôt, souffle Lucien un peu découragé.


 

Extrait N° 2 Le choix d'un ange

 

A l’entrée se tient une jeune femme brune, bien droite pour voir par-dessus le portail en fer, avec un regard noir et perçant à faire fondre le plus stoïque des hommes. A la vue de Lucien, elle s’étire un peu plus en hauteur en se hissant sur la pointe des pieds, la main sur le front pour se protéger de la pluie qui continue de tomber.

- Bonjour ! … Monsieur Lubrano ?

- Oui ! Mais excusez-moi je n’ai pas le temps, ni pour des pubs et encore moins si ça concerne une religion.

- Non, non ! Je suis de la police. Je fais une enquête.

- De la police ?

          Lucien ne sait pas que penser. Il a déjà à faire aux policiersés de Marseille, à ceux de Manosque, à la SREPI, il ne lui manque plus que la CIA pour compléter le tableau. Alors qu’est-ce que c’est encore que cette nouvelle arrivante ? Il s’approche du portail, la dame a repris sa taille normale, du coup il ne voit plus ses yeux..

- Qu’est-ce qui se passe ? Rien de grave j’espère ?

- Rien de grave ! Une enquête de routine… ça vous dérange si on entre cinq minutes, ça ne sera pas long

- Bien sûr que non… Venez ! On va pas parler dehors avec ce temps.

          Nicolas est assis sur une chaise près de la table. A la vue de la belle, il jette un regard interrogateur à son ami. Le capitaine lui, reste impassible.

- ( Nicolas ) : Bonjour, Madame !

- ( Raymond ) : Bonjour!

- Madame est de la police. Elle mène une enquête de routine… Asseyez-vous !

- Merci ! Voilà… pour être brève, j’enquête sur le décès d’un homme. Cet homme est décédé dans d’étranges circonstances et sa fille est dans le coma. Avant de décéder, il m’a confié qu’un seul homme pouvait sauver sa fille… Je n’ai que son prénom… Nicolas… et sa ville de résidence, Manosque. Il y a bien un Nicolas qui habite ici ?

- Oui, c’est moi ! Il s’appelait comment ?

- Ombard… René Ombard. Et sa fille Odile, ça vous dit quelque chose ?

- Non ! J’ai bien peur que je ne sois pas le bon et que je ne puisse rien faire pour vous.

- Vous ne les connaissez pas ?

- Jamais entendu parler … Je regrette. Si j’avais pu vous aider, ça aurait été avec plaisir. Mais là, malheureusement je peux rien pour vous !

- J’ai une photo de Monsieur Ombard et de sa fille Odile, vous voulez bien y jeter un coup d’œil, on sait jamais !

          Elle sort de son sac une enveloppe, l’ouvre rapidement avant d’en extraire deux photos couleurs représentant un homme âgé et une dame blonde.

- Non je ne connais ni l’homme, ni cette jeune femme… Désolé ! … Regarde Lucien, ça te dit quelque chose ?

          Sur la photo, la dame est très souriante, très classe avec son petit chignon blond et ses lunettes rondes. Sur le coup, son visage ne lui est pas revenu, il faut dire aussi qu’il ne l’avait vue que quelques minutes dans sa vie.

- Non ! Rien du tout.

- C’est pas grave, je vais continuer… Il y en a pas mal des Nicolas à Manosque.

- Dans votre boulot, reconnaît Raymond. C’est certainement la partie la plus fastidieuse, ces enquêtes de routine, vous ne devez plus en voir la fin.

          Les trois hommes se rendent bien compte qu’elle n’a pas de temps à perdre en bavardages. Déjà elle se redresse pour partir.

- Ça ! Y’a pas photo. Mais enfin ! Il faut le faire.

          La déception se lit sur son visage. Tous auraient aimé l’aider juste pour la voir sourire. En se dirigeant vers la porte du hall elle leur tourne le dos.

- ( Lucien ) : Bon courage ! Mais y’avait quelque chose de spécial que vous faites ces recherches ?

- A vrai dire, je sais pas vraiment. Nous avons été interpellés par des agents spéciaux de la SREPI qui auraient trouvé une chose qui n’existerait pas sur terre, ça à l’air bizarre mais…

          A cet instant Lucien lui coupe net la parole en lui plaquant violemment la main sur son épaule droite. Elle se retourne d’un coup, le visage déformé par la douleur et la stupéfaction. Le bruit de la chaise de Nicolas qui frotte sur les malons la fait légèrement sursauter. Il s’est redressé aussi vite que la femme s’est retournée. Les trois hommes stupéfaits la dévisagent quelques secondes, leurs regards inquiets ne doivent pas la rassurer du tout. Elle n’ose pas parler, se contentant de remonter ses joues pour exprimer sa douleur. Lucien la lâche puis se tourne rapidement vers le capitaine en lui faisant les gros yeux mais en bon professionnel il ne bouge pas un cil.

- Répétez-moi un peu, ce que vous venez de nous dire ! bougonne Lucien.

         Monique est plus qu’intriguée.

- Des militaires de la SREPI sont survenus le jour de mon intervention pour secourir le pauvre homme. Ils étaient en tenue de défense bactériologique. Les lieux ont été désinfectés avant d’être mis en quarantaine. Nous avons tous été emmenés dans un endroit secret, où se trouvait déjà Odile Ombard… Elle est toujours dans le coma ainsi que les deux infirmiers qui ont déplacé le corps de M. Ombard. Apparemment ceci aurait un rapport direct avec une affaire encore non élucidée concernant une découverte à Lyon remontant à plusieurs dizaines d’années, mais je n’ai pas tous les détails.

- ( Nicolas ) : Eh merde !

- C’est bien vous que je cherche ?

- Non c’est pas nous ! Aboie Lucien en colère. Putain d’Adèle ! J’en ai ras le bol maintenant de toutes ces merdes, de longue à me faire caguer.

- Lucien, Madame n’y est pour rien, fait remarquer Nicolas.

- ( Raymond ) : Et je pense que ça doit la faire passablement caguer à elle aussi, de ne pas avoir d’explication…

Roman en Provence : Reflet d'un autre temps

Roman en Provence : Reflet d'un autre temps

Extrait 1 Reflet d'un autre temps

Les deux amies arrivent tant bien que mal sur le trottoir. Le hasard fait bien les choses, elles partent dans la bonne direction, en titubant certes, mais dans la bonne direction. En descendant la rue, elles ne peuvent pas s’empêcher de chahuter, en riant et en se poussant comme des minotes. Elles n’ont pas choisi de prendre le chemin le plus court, elles préfèrent zigzaguer, c’est moins rapide, mais plus rigolo. En tournoyant pour faire l’intéressante, Monique aperçoit un homme qui les suit. Elle ne s’en inquiète pas dans l’immédiat, elle considère qu’il est trop loin et que de toute façon même avec quelques verres de trop, elle peut encore se défendre.

– J’ai vu un gonze…

– Dans ton état c’est pas normal, t’aurais dû en voir deux. Vouais… Deux jumeaux…

– Il va nous attraper et… et il va nous violer. Bouh ! Le méchant gonze, bafouille Monique en tapant sur l’épaule de sa collègue.

– Toujours des promesses. Moi j’aimerais bien que ce soit Roland, vé ! Mais Roland il n’en a que pour toi... Voilà ! 

– Pardi ! Mais Roland il est comme les autres, après dix pastagas il a l’asperge flétrie… Vouis… parfaitement… Bouh ! qu’elle est flétrie.

– Hé bé même flétrie … Hé bé, moi je m’en contenterais. 

– Bouh ! Elle s’en contentera… rait… contenterarait…

– Parfaitement !

– Té ! C’est pas ta porte, ça ? … Là où t’habites !

– Parfaitement ! 

– Tu sais ton code ? Rappelle-toi, c’est pas si vieux… le truc que tu tapes avec ton doigt.

– Hein ?

– Celui à coté du pouce, tu sais ?

– Parfaitement ! 

– Alors, vas-y Fine ! Montre-moi un peu.

Delphine se redresse pour prendre une posture sérieuse qui honore sa profession. La bouche pincée, le cou raide, elle rattache le col de sa chemise puis met son index en avant, l’autre main collée sur l’œil pour mieux viser, avant de taper la première touche.

– C’était quoi ? 

– Le cinq ! 

– Jusque là c’est bon ! 

– Pardi ! Mais c’était facile, il est en plein milieu… il en reste encore trois…

– Ne commence pas à m’embrouiller… attends que je réfléchisse. 

– Vas-y ! Vas-y, réfléchis voir un peu ! 

Delphine reprend sa position fétiche, l’index en avant, sa main bouchant son œil droit, sous le rire amusé de sa collègue.

– Alors ? S’impatiente Monique.

– Je vais me les tenter tous les trois d’un coup. 

– Prends pas de risques inutiles vaï ! T’as une vie après ta porte d’entrée… T’es sûre de ce que tu veux faire ? 

– Si ! répond-elle en en tapotant par trois fois le clavier.

Le clic victorieux de la serrure électrique se fait entendre.

– Bravo ! Tu te rappelles de l’étage au moins ? 

– Parfaitement ! 

– Alors à demain. 

– À demain !

Après avoir laissé sa collègue, Monique repense au poursuivant de tout à l’heure. En se retournant, elle aperçoit une ombre furtive qui s’engouffre sous un porche à une centaine de mètres. Soucieuse, elle ne fait que deux pas avant de faire une prompte volte-face… Enfin prompte est exagérée, disons autant qu’elle peut le faire après avoir avalé une dizaine de whiskys, c’est une prompte un peu vasouillarde. Toutefois, elle a le temps de surprendre un individu avant qu’il ne se cache derrière le tronc d’un arbre à une dizaine de mètres. Comment a-t-il pu parcourir une telle distance en si peu de temps ? Spontanément elle cherche son arme, elle ne l’a pas sur elle… Dans sa précipitation elle oublie qu’elle ne la prend jamais lors de telles soirées. Ses craintes commencent à la dégriser.

Instinctivement elle se met à l’abri sous le porche d’entrée d’un immeuble. Pendant quelques secondes elle ne bouge plus. Elle respire à peine, le minimum pour sa survie. Plaquée contre la porte épaisse, elle n’ose pas avancer sa tête pour voir où en sont les événements sur le trottoir. Les yeux grands ouverts, elle regarde droit devant elle, espérant de tout son cœur que son suce pégue va poursuivre son chemin… Tout à coup elle le voit effectivement passer, mais à une vitesse tellement impressionnante qu’elle a du mal à le croire. Cette vision irréelle la paralyse, elle ne peut pas s’imaginer que c’est l’abus d’alcool qui lui donne de telles hallucinations.

Croyant le danger passé elle souffle légèrement et se décontracte un tantinet quand l’apparition soudaine d’un visage à cinquante centimètres du sien la fait sursauter. L’homme la dévisage. Son regard étrange rajoute une dose d’anxiété dans les entrailles de Monique. Sur le visage de l’individu, une particularité aussi rare qu'insolite la fait frémir, il possède un œil bleu et l’autre marron. Il l’attrape violemment par le col pour rapprocher la figure du capitaine un peu plus de son faciès, comme s’il voulait en voir les moindres détails. Monique tente de se dégager en saisissant le poignet de son agresseur des deux mains pour lui tordre le bras, mais l’homme a une force phénoménale, il ne bouge pas d’un millimètre. Monique remarque sa chaîne en or qui balance sur sa poitrine poilue, rabattant à chaque passage une rigole de poils frisés. Elle prend le temps de lire le prénom inscrit sur le siège de la balançoire, «  André ».

Pas un mot n’est encore sorti de la bouche de l’agresseur… Que cherche-t-il ? Il se tourne, inquiet, vers le haut de la rue. Les voix de ses collègues, qui crient son nom, redonnent un peu d’espoir à notre otage. Deux coups de feu qui résonnent entre les immeubles font sourciller l'assaillant, qui regarde méchamment Monique avant de hurler sa rage. À contrecœur, il lâche son col en la poussant violemment contre la porte. Puis s’enfuit à la même vitesse que celle qu’il a utilisée en passant devant le capitaine il y a une poignée de secondes, c’est-à-dire ahurissante. Monique est sous le choc, abasourdie par l’alcool mélangé à ces visions incompréhensibles.

Les deux policiers, en arrivant à sa hauteur, se penchent en avant en s’appuyant surs leurs genoux, essoufflés par ce sprint improvisé. Roland, son coéquipier de toujours, la dévisage lui aussi, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Il ne l’a jamais vue abattue de la sorte, ou peut être il y a quelques années, au moment de cette sombre histoire de virus dont il n’a d’ailleurs jamais su le fin mot. Il faut dire à sa décharge que de telles situations sont plutôt rares, plus près de l’incroyable que de l’exceptionnel, comme l’apparition de cet homme ce soir.

– Putain, c’est dingue ! T’as vu à quelle vitesse il cavalait le gonze… Tu le connais ? 

– Jamais vu ! Mais avec son regard fou, s’il est dans notre base on aura vite fait de le repérer. 

– Qu’est-ce qu’il a son regard ? 

– Il a l’œil droit bleu et l’autre marron. 

– Hé bé ! Au moins y’en a pour tous les goûts. 

– Non, moi j’aime pas les indécis …

– Toi, t’es jamais contente. 

– Pardi ! C’est comme ça. 

– Demain on va interroger les boites à malices, avec son signalement on trouvera peut être qui c’est. 

– J’espère qu’on fera pas macari, Soupire Monique. Que vu le gabarit, je vais pas dormir tranquille. 

– Mais non !… Tu sais que quand y’en a un qui ose s’attaquer à un flic, on le lâche plus. 

– J’ai comme l’impression qu’avec celui-là, c’est lui qui va pas me lâcher… ça va pas être facile. 

– Penses-tu ! Celui-là ou un autre c’est pareil… Allez zou, boulégan ! Je te raccompagne… Demain il fera jour. 

Extrait 2 , Reflet d'un autre temps

Jeanne est encore en train de regarder partir Monique quand elle entend descendre son fils.

– Où tu vas ? 

– Où je veux, j’ai pas de compte à te rendre. 

– Tu parles pas comme ça à ta mère…

– Ah je suis une catastrophe… Une plaie ! Hé bé la catastrophe elle en a rien à foutre et elle te répond pas. 

– Viens me faire un bisou et me demander pardon. 

– Te demander pardon ! N’importe quoi… Mais pour qui tu te prends ? lui répond méchamment Marceau en enfourchant son booster. Jeanne a les larmes aux yeux. Elle lui répond doucement…

– Pour ta mère….

Mais il est déjà loin, il ne l’entend pas.

Marceau arrive au croisement en pédalant, son booster est tombé en panne de batterie. Le capitaine est dehors, elle n’est pas encore entrée dans la maison. Il cale rapidement son cyclomoteur dans un fourré avant de se précipiter vers Monique en courant. En entendant des pas, elle se retourne, surprise.

– Qu’est-ce que tu fais là, toi ? 

Marceau est essoufflé, il articule difficilement.

– Deux secondes ! Je reprends mon souffle. J’ai planqué mon booster pour pas me le faire bouger… C’est plus facile quand le moteur fonctionne. 

– Hé pardi ! Tu sais comme on dit, « à la descente les courges y vont. T’as compris ? »

– Je m’en cague de ça. Il faut que je te parle. 

– Pourquoi ? T’as fini de gaver ta mère. Tu t’ennuies ? 

– Écoutes, fous-moi la paix avec ma mère et ouvre bien tes esgourdes. 

– Mais bouléguan, que j’ai pas que ça à faire. Et après tu redescends rejoindre tes souffre-douleur, je ne veux pas que tu restes ici. 

– Tu sais pas de quoi tu parles, mais c’est pas grave. J’ai entendu ce que t’as raconté en bas…

– Et alors ? 

– J’ai rencontré quelqu’un d’aussi puissant que le bicolore. 

– Qu’est-ce que tu racontes ? 

– Tu sais la femme qu’ils recherchent, celle qu’ils ont essayé de coincer à Marseille, hé bé j’ai menti. Je la connais bien. Quand on s’est échappé sur la Canebière, elle envoyait valser des bestiasses de cent kilos comme des fétus de paille. À un moment on s’est retrouvé devant un mur d’au moins deux mètres de haut, je pensais qu’on allait faire esquinette, hé bé non, elle l’a sauté comme si c’était le rebord d’un trottoir et je te parle pas de sa vitesse de déplacement, c’est à peine si on peut la voir. 

– Tu me racontes pas de blagues. 

– Pour quoi faire ! Et encore tu connais pas le meilleur…

– Non ! Je connais pas le meilleur. Et c’est quoi ? lui répond Monique, excédée par la lenteur des explications.

– Tu sais où je l’ai rencontrée ? 

– Non ! Je sais pas où tu l’as rencontré.

– À quelques centaines de mètres de là, dans la colline par là bas. 

– Ici ? 

– Et vouis ! Quelques centaines de mètres c’est pas ailleurs. 

– Fous-toi de moi, fous ! pétard !

– Mais c’est pas ça le meilleur.

– Oh putain d’Adèle ! Et c’est quoi ? Tu comptes me le raconter par épisodes ou je dois attendre la fin des pubs ?

– Le plus dingue c’est qu’elle cherche de longue quelque chose dans cette maison. 

– Ici ? 

– Et vouis ! Cette maison elle est pas ailleurs…

– Arrête un peu, vaï ! Que j’ai pas envie de rire. Et tu pouvais pas le dire avant. 

– A qui ? 

– A Bagliani par exemple. 

– J’aime pas les poulets, tu le sais. 

– Hé bé pétard ! t’es bien comme ton pépé Lucien, coté volaille vous avez les mêmes goûts, mais heureusement qu'ils sont là. Et j’en fais partie moi aussi… des bêtes à plumes, ne l’oublie pas !

– Oui, mais toi c’est pas pareil, quoique…

            Monique se tourne pour le regarder de travers. Lui, fait comme si de rien n’était.

– Je t’ai tout dit, alors je viens à la villa avec toi. 

– D’accord ! Mais dis-m'en un peu plus sur cette femme. 

– Elle s’appelle Batistine. Moi je l’appelle souvent Titine.

– Ouais, ouais, je vois ! 

– Tu vois que dalle. Elle m’a donné que son prénom. Enfin pour te dire qu’elle une force et une rapidité, c’est impressionnant. Quand elle démarre, pousse-toi de devant. Dans les veines elle a pas du jus de navet c’est moi qui te le dis. En plus maintenant elle est armée et…

            Marceau hésite.

– Et quoi ? Dis-moi tout hein ! 

– Un soir que je suis passé ici, je l’ai vu tirer un homme. Il était mort, la figure en sang. 

– Fatche de ! Et tu disais rien ? 

– Je t’ai déjà dit pourquoi. 

– Hé bé ! On a intérêt de faire gaffe. 

Monique sort son revolver et le prend à deux mains.

– Allez ! On y va ! 

Elle pousse la porte d’entrée avec son pied. La serrure n’est plus un obstacle depuis longtemps, vu le nombre de fois qu’elle a été forcée. En entrant, elle manœuvre l’interrupteur de la main gauche en gardant un regard fixe, droit devant elle. Nicolas n’a jamais voulu couper l’électricité dans cette vieille bâtisse. Il a toujours en tête la construction passée et il hésite à faire supprimer le courant, cela lui donne l’illusion que la construction vit toujours un peu.

– Marceau profite pour aller te laver les mains, que t’as poussé ton booster, elles sont crades que c’est pas permis… Y’a encore de l’eau à la pile. 

– Laisse-moi m’arranger avec mes mains… J’irai t’à l’heure. 

Monique commence par visiter le buffet qui se trouve en face d’elle. Marceau préfère se diriger vers la grande salle.

– Je vais à côté.

– Putain Marceau ! Tu préfères pas m’attendre ? 

– Non ! 

– Pétard toujours à faire le mariol ! Fais gaffe que tu joues pas avec tes petits copains là ! 

– T’inquiètes pas pour moi. 

– De toi je m’en cague, je pense à ta mère… J’aurais mieux fait de te renvoyer en bas. 

Le capitaine fouille le buffet de fond en comble sans savoir ce qu’elle cherche. Avant de passer au meuble suivant, elle se renseigne sur l’activité de l’enquêteur amateur, enquiquineur professionnel.

– Marceau, ça va ? crie-t-elle pour être certaine d’être entendue.

            Pas de réponse, elle réitère sa demande en élevant sa voix, toujours pas de réponse. Monique se redresse, lentement, les yeux rivés sur la porte qui la sépare de la grande salle. Son cœur bat la chamade, il ne faut pas s’appeler Molinari pour comprendre qu’il se passe quelque chose de pas très normal. Elle saisit son arme à deux mains, tend ses bras droits devant elle puis avance à pas feutrés. En arrivant dans la salle, elle voit Didier debout au centre de la pièce, il semble momifié. Elle regarde tout autour pour déceler un éventuel problème, mais rien de spécial.

– Qu’est-ce qui se passe, t’as l’œuf ? Plaisante Monique.

Il a le regard fixe. Monique s’inquiète.

– Oh le niston, qu’est-ce qui t’arrive ? 

Marceau reste figé, sans réaction. En s’approchant, Monique s’aperçoit que des larmes commencent à prendre naissance dans le fond de ses yeux. Elle range son arme avant de l’attraper par les deux épaules et de le secouer vigoureusement, d’autant plus qu’elle en profite un peu pour se venger… Depuis le temps qu’il la fait caguer.

– Oh putain d’Adèle ! Tu vas me répondre oui. 

Marceau passe son index par-dessus son épaule pour lui indiquer que le problème se trouve derrière. Monique fronce ses sourcils avant de se relever sur la pointe des pieds pour espérer découvrir la clef de l’énigme dans le dos de son jeune ami. Elle ne voit rien.

– Qu’est-ce qu’il a vu le minot, un mort quelque part ? 

Il lui fait un « non » timide de la tête. En scrutant les alentours du regard, comme le ferait un projecteur surveillant l’enclos d’une prison, ses yeux s’arrêtent sur un trou qui orne la cloison, le célèbre trou que Nicolas était censé avoir rebouché.

– Non ! pas ça. Bonne mère faîtes que ce ne soit pas ça, marmonne Monique.

Elle relâche doucement Marceau avant de s’avancer à petits pas vers la cavité. Elle passe sa face à travers l’orifice avant de la retirer lentement, blanche comme un Gervais.

– Bonne mère, je vous avais demandé pas ça. Pour une fois que je vous demandais pas ça, vous auriez pu faire un effort quand même ! …  C’est la cata de chez cata.

– C’est pas ça ? Hein Monique, c’est pas ça ? Pleurniche Marceau.

– Tu n’aurais jamais dû la voir. 

– Dis-moi que c’est pas ça. 

Monique s’engatse. Elle est au courant du carcan que fait passer son jeune acolyte à ses amis. Il n’a jamais voulu les croire et prenait un malin plaisir à les ridiculiser du haut de sa carcasse hautaine surmontée à son sommet d’une tête à claques. Elle n’a pas l’intention de le ménager.

– Et non que je te le dis pas. Depuis que ta mère t’en parle. Et ben voilà, t’as la preuve maintenant. La machine est revenue. Comment et surtout pourquoi ? Sas… C’est les figues d’un autre panier.

– Je me sens mal.

– Hé bé, qué chochotte, assieds-toi, vé ! Que ça te va bien ça. Tu n’as jamais cru dégun ni même Lucien, Dieu ait son âme. Peut être que maintenant tu feras moins le gandin. 

Marceau s’assoit sur le sol.

– Ta mère n’a jamais voulu te laisser dans l’ignorance. Pourtant ça n’a pas dû être simple pour elle de te raconter cette histoire, tellement invraisemblable, mais elle l’a fait parce qu’elle t’aimait et toi, gros bouffon, tu l’ignores. Tu la fais caguer de longue, hé bé voilà prend-toi ça dans les gencives que ça t’éclaircisse un peu les idées. 

– Comment elle est arrivée là ? 

– Ça, il faut pas s’appeler Hercule Poirot pour le deviner. Ta Titine elle s’est bien foutue de ta gueule, remarque ça c’est pas bien compliqué.

– Arrête !

– Ah ! Pour faire le mariol il est bon le minot, mais dés qu’il voit pointer un téton il sait plus où il habite. Elle l’a bien vu, elle est pas si conne que ça ta Titine.

– C’est plus ma Titine. 

– Peut-être ! N’empêche qu’elle ne vient pas de Paris. Non, non ! Je dis des conneries là, elle y vient peut-être, mais la date n’est pas encore dans le calendrier et il est pas prêt d’être imprimé celui-là. 

– Je lui avais dit qu’elle n’avait pas l’accent. Je lui avais dit, rajoute Marceau un peu dans le coltar.

– J’ai la vague impression qu’il n’y a pas que l’accent qu’elle n’a pas. Il faut que j’appelle ton grand-père…

Ces paroles de Monique sortent Marceau de sa torpeur. Il se redresse d’un coup.

– Tu avertis dégun ! 

– Ça va pas ! Rendort toi, vaï ! 

BON DE COMMANDE DES ROMANS

 

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commentaires

A
Un amateur en quête de lecteurs... http://dpmassocies.over-blog.com/2018/06/un-drh-assassine-dans-son-bureau.html
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