Le capitaine Calendal Pourcin est bien embêté lorsqu’il est réveillé à cinq heures du matin pour se rendre sur les lieux d’un crime des plus énigmatiques. En effet, la victime a été perforée par une balle de sept millimètres mais le plus intrigant est que celle-ci est sans bavure, sans trace de sang. Bref, un trou d’une pureté incroyable. Mais là n’est pas encore le plus étrange, car cette victime ne sera malheureusement pas la seule mais sera suivi de deux autres, toutes signées de la même manière, ce qui explique le titre assez énigmatique «Trois petits trous». Notre capitaine va donc devoir se plonger sur cette affaire, accompagné de ses deux compagnons du commissariat de Manosque, Bernard et le lieutenant Laurent. Tous trois vont, au cours de cette affaire hors du commun devoir se rendre sur différents lieux de crimes, allant de Valensole à Marseille et s’engouffrant de plus en plus dans cette morbide affaire de crimes. Qu’avaient donc ces trois personnes en commun ? Si ce n’est qu’elles avaient toutes été amnésiques, le capitaine ne voit rien d’autre. Perdre la mémoire n’est quand même pas un crime. Qui voudrait vouloir les éliminer pour cela ? À moins qu’il n’y ait autre chose derrière...
Extrait du roman policier " Trois petits trous "
Laurent avance d’un pas alerte. Chaque fois qu’il passe sous la porte de la Saunerie, il ne peut pas s’empêcher de relever sa tête pour admirer les créneaux qui la chapeautent, signe de l’éternel affranchissement des Manosquins. Il remonte ensuite rapidement la rue Grande. Sachant exactement où se trouve le magasin de chaussures, qu’il a localisé sur les pages jaunes, il ne perd pas de temps en flânerie inutile. En entrant, il remarque que l’établissement est luxueux, aucune chaussure en vrac surplombée d’annonces promotionnelles, aucune affiche censée appâter des clientes avec des rabais faramineux qui nous laissent entrevoir les marges non moins pharaoniques que se concède le commerçant quand les articles sont vendus à leurs prix originaux. Les souliers sont rangés sur des étagères en verre, alignés comme un bataillon de fantassins un Quatorze Juillet. Les probables acheteuses, qui s’ingénient à marcher tout en regardant leurs futures acquisitions d’une manière hautaine, sont accompagnées d’une douce musique qui les enveloppe. Mimant sans s’en rendre compte des soldats arpentant un palais royal, elles tendent leurs pieds en avant tout en raidissant leurs jambes pour tenter d’apercevoir l’objet de leurs convoitises. Quelques tabourets recouverts de cuir noir se promènent çà et là, au gré de la fantaisie des clientes. Au fond du magasin, une femme qui a bien compris que notre lieutenant n’était pas là pour faire exploser son chiffre d’affaires, lui sourit. Il s’approche en ne la lâchant pas du regard. Puis, arrivé à sa hauteur, il sort son badge.
– Lieutenant Laurent Huguenin, j’ai quelques questions à vous poser.
– Si je peux vous être utile ? Lui répond la vendeuse avec un sourire aguicheur.
Le lieutenant marque un temps d’arrêt, surpris par une drague aussi rapide. Mais quand même, il répond en lui jetant un regard espiègle accompagné d’un pincement de lèvres. Il se dit que si jamais ça ne marche pas avec la standardiste autant avoir plusieurs flèches à son arc, on n’est jamais assez prévoyant.
– Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
– Hum ! Pour l’instant, quelques réponses. Lui susurre-t-il, un peu désarçonné.
Il la sent frétillante, cette vendeuse, comme un poisson rouge qui aurait besoin de quitter son bocal pour un peu s’aérer. Lui, il lui aurait volontiers fait goûter l’eau de sa baignoire, en attendant le bon vouloir de miss Évelyne. Le lieutenant se décide tout de même à sortir une feuille de la poche intérieure de son veston, puis la déplie pour la placer face à son interlocutrice.
– Voilà, madame ! Ou je peux peut-être vous appeler par votre prénom ?
– Pardi ! Moi c’est Solange.
– Et moi Laurent ! Alors voilà Solange, nous avons déterminé ce modèle de chaussure en partant d’une empreinte. C’est une Casadèi, tu en vends ?
– Nous avons tout ce que confectionne Casadéi dans notre catalogue. C’est notre marque haut de gamme.
– T’as vendu ce modèle dernièrement ?
– Il me semble.
– Tu peux vérifier ?
– Pour sûr ! Je suis très obéissante, tu sais.
– Hum, hum !
Tout en maintenant son corps droit comme un I et bien cambré, la vendeuse envoie ses mains sous le comptoir. Elle en sort son livre de compte, jette un dernier regard coquin en direction d’Huguenin en ajustant ses lunettes puis commence à feuilleter son ouvrage, en sens inverse, en reculant dans le temps. Soudain, elle pose sa main bien à plat sur la page gauche de son livre comme si elle craignait qu’il ne se referme.
– J’en ai effectivement vendu une, à une cliente y’a pas très longtemps.
– T’as son nom ?
– Bien sûr ! C’est madame Anne-Laure Daumas.
– Daumas, tu dis ? s’exclame Laurent, stupéfait.
– Ben oui !
– Elle t’a payé comment ?
– Par chèque.
– Elle ne serait pas de Pierrevert ?
– Ben oui !
– Ben ça alors !
– Tu m’as l’air surpris.
– Plutôt, oui !
– Ça t’est utile ?
– Très ! T’es bien certaine que madame Daumas t’a acheté ce modèle de chaussure ?
– Absolument ! Ce n’est pas le genre de bottine que je vends tous les jours, crois-moi. Ça t’aide dans ton enquête ?
– Plus que ce que tu pourrais penser. Ne parle de notre discussion à personne. Je compte sur toi.
– Ne te fais aucun souci. Je suis aussi très discrète.
– Hum, hum ! Bon, je te laisse, j’ai un coup de fil urgent à donner.
En se dirigeant vers la sortie, les occupations professionnelles du lieutenant reprenant le dessus, il commençait déjà à évacuer la vendeuse de sa tête. Elle a tôt fait de le rappeler à l’ordre.
– Laurent !
Il se retourne.
– Si t’as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas !
– Bien… bien sûr… Compte sur moi.
Huguenin sort précipitamment, trépidant d’impatience à l’idée d’annoncer la nouvelle à son chef.
_ _ _ _ Second extrait _ _ _ _
Les deux policiers rejoignent leur bureau en soufflant. Ce n’est pas le genre de travail qu’ils affectionnent. La secrétaire arrive quelques secondes plus tard, suivie de près par le plaignant qui n’arrête pas de rouspéter.
– Ah ! J’espère que vous êtes moins bouché que votre collègue, aboie-t-il en entrant.
Ce qui n’est pas du goût du lieutenant Viguier.
– Notre collègue n’est pas bouché et si vous ne voulez pas commencer par quatre heures de cellule je vous conseille de vous calmer.
– Non, mais…
– Y’a pas de « non, mais ». Je ne vous avertirai pas deux fois.
Le plaignant se tait en regardant tour à tour les deux policiers. Laurent s’est assis sur le coin du bureau, les bras croisés en le fixant sans baisser les yeux.
– On m’a explosé le tracteur et c’est encore moi qui a tort.
– On n’a jamais dit que vous aviez tort, je vous ai dit de vous calmer. Pour le tracteur, on est là pour déterminer ce qui s’est passé.
– Ouais ? Mais les assurances ne veulent rien me rembourser. Ces enfoirés, ils disent que c’est moi qui l’ai brûlé.
– Qu’est-ce qui est arrivé à votre tracteur ?
– Je vous l’ai dit, il s’est fait exploser.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Insiste Bernard avec un ton de lassitude.
– Après manger, je me reposais dans ma grange. Y’a jamais dégun qui y monte là-bas, bonne mère ! C’est pour ça que j’y vais me reposer. Hé bè là, j’ai entendu une bagnole.
– Elle est où cette grange ?
– Dans les vignes qui descendent de Montfuron vers Pierrevert.
– Vers Sainte-Marguerite ?
– Mais non ! Bien avant, un peu après l’église d’Elzéar.
– C’est pas grave, continuez !
– Je me suis dit « Ritou fait gaffe, si quelqu’un vient se perdre par ici ça craint ». Et je suis resté bien couché derrière la botte de paille. Ils sont rentrés tous les deux pour vérifier, mais ils m’ont pas vu.
– Comment vous étiez venu ?
– En cyclo et je l’avais planqué, pas con l’abeille.
– Pas folle la guêpe, rectifie le policier.
– Quoi ? qué guêpe !
– Non rien ! C’est pour ça qu’ils ne se sont pas méfiés.
– Pardi !
– Comment saviez-vous qu’ils étaient deux si vous étiez derrière la botte de paille ?
– C’est après que je les ai vus, quand ils sont ressortis. Je comprenais pas bien ce qu’ils disaient, mais ils parlaient d’une arme.
– L’arme qui a détruit votre tracteur ?
– Voui !
– C’était un bazooka ?
– Je l’ai pas vue. L’homme qui la tenait était de dos, mais il la tenait que d’une main, ça devait être petit.
– Et ça a suffi pour exploser votre tracteur ? Réfléchissez un peu à ce que vous dites, vaï !
– Ça s’est passé comme ça que je vous dis, putain d’Adèle ! Même que l’autre était devant mon engin et il a rien eu.
– Vous veniez du resto et vous aviez bu l’apéritif ?
– J’étais pas empégué, si c’est ce que vous voulez dire.
– Combien vous avez bu de pastagas ? Et ne mentez pas, on peut vérifier.
– Euh… Je sais pas ! Mais j’avais dormi, j’étais bien.
– Bon allez-y maintenant, on enverra deux policiers pour faire une enquête.
– Mais c’est pas tout.
– Qu’est-ce qu’y’a encore ?
– Quand il a tiré, y’a pas eu de bruit.
Laurent est intrigué par cette information.
– Qu’est-ce que vous dîtes ?
– Quand il a tiré, y’a pas eu de bruit, juste un petit sifflement. Il faut quand même reconnaître que vous êtes un peu bouché.
– C’est bon Laurent ! Intervient Bernard en colère. – C’est pas compliqué à comprendre.
– Non Bernard, je trouve ça quand même bizarre.
Puis, Laurent s’adresse de nouveau au paysan.
– Vous avez bien dit aussi que l’homme se trouvait entre l’arme et le tracteur ?
– Combien de fois je vais vous le dire ?
Bernard se lève, puis se dirige vers la porte et l’ouvre pour signifier au plaignant que le moment est venu pour lui de s’en aller et d’aller cuver ses pastis ailleurs.
BON DE COMMANDE AVEC DEDICACE